Déclaration politique contre les armes explosives dans les zones peuplées : la France sera-t-elle à la hauteur ?
Après des mois d'interruption à cause de la crise sanitaire, les négociations diplomatiques sur l'élaboration d'un accord international contre les bombardements dans les zones peuplées reprennent. Handicap International appelle les États à soutenir un accord fort qui apportera une garantie solide pour la protection des civils. L’association sera vigilante à la position de certains, notamment la France.

Ville de Kobané dans le Nord de la Syrie, totalement dévastée après des bombardements - photo d’archive | © P. Houliat / HI
Reprise du processus politique
Un processus diplomatique rassemblant plus de 70 États et orchestré par l'Irlande a débuté en octobre 2019 afin d’aboutir à une déclaration politique contre l’utilisation des armes explosives à large rayon d’impact en zones peuplées. Handicap International et les autres membres du réseau INEW participent au débat en tant que représentants de la société civile. L’association vise l’obtention d’un texte fort afin de protéger les civils des dommages causés par l'utilisation des armes explosives à large rayon d’impact en zones peuplées et à assurer un soutien aux victimes.
Le processus diplomatique à l’arrêt depuis des mois à cause du Covid-19 a redémarré en janvier avec la diffusion d’un nouveau texte parmi les délégations des États. Les discussions sur ce texte se tiendront du 3 au 5 mars. Un dernier cycle de négociations devrait avoir lieu à Genève à la fin du printemps. Ensuite, l'accord international devrait être proposé aux États pour approbation lors d'une conférence qui se tiendra plus tard dans l'année.
« On peut bombarder et détruire une ville entière en quelques jours. Il faudra des décennies pour la reconstruire. Il est aujourd’hui prouvé et documenté qu’utiliser des armes explosives lourdes et imprécises dans les zones peuplées tue et blesse des civils, détruit les infrastructures civiles et oblige les familles à abandonner tous leurs biens et à fuir vers des zones plus sûres. Des familles déplacées en permanence, la contamination de vastes zones par des restes d'explosifs, des blessures complexes et des traumatismes psychologiques à long terme et une forte réduction des services vitaux (écoles, centres de santé, etc.), voilà quelques-uns des impacts humanitaires à long terme des bombardements dans les zones peuplées. »
Baptiste Chapuis, responsable Plaidoyer à Handicap International
Des avancées positives mais un texte insuffisamment contraignant
Si Handicap International salue la reprise des négociations, l’association souhaite que des modifications soient apportées au texte afin que la Déclaration soit suffisamment forte et contraignante pour protéger concrètement les civils dans les conflits modernes.
Les dommages et les souffrances des civils
Le texte devrait décrire et reconnaître clairement les dommages et les souffrances des civils qui résultent de l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées. Lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils. Le texte doit également reconnaître clairement l'impact humanitaire à long terme des bombardements dans les zones peuplées : destruction d'infrastructures vitales, déplacements forcés à long terme, contamination de régions entières par des restes explosifs de guerre...
Les effets des armes explosives à large rayon d’impact
Le projet de déclaration porte sur les armes explosives « à large rayon d’impact », mais n'explique pas suffisamment les spécificités de ces armes. De nombreuses armes explosives à large rayon d’impact utilisées dans la guerre urbaine ont été conçues à l'origine pour les champs de bataille ouverts. Les armes explosives lourdes ou imprécises (frappes aériennes, artillerie lourde mais aussi IED…) mettent en danger des quartiers entiers. Certaines ont la capacité de projeter simultanément de multiples munitions sur une large zone, et pratiquement toutes produisent des effets de souffle et de fragmentation importants...
Assistance aux victimes
Handicap International salue le fait que l'assistance aux victimes soit inscrite dans la Déclaration politique. Cet engagement dans l’aide aux victimes devrait toutefois être renforcé et rendu suffisamment concret pour apporter une aide efficace aux blessés, aux survivants, aux membres des familles des personnes tuées et/ou blessées, ainsi qu’aux communautés touchées, afin de devenir un véritable « devoir de réparation » des États.
Par ailleurs, Handicap International considère qu'il existe une norme minimale sur laquelle les États doivent se mettre d'accord : les États doivent soutenir inconditionnellement l'idée de ne pas utiliser les armes les plus destructrices ou imprécises dans les villes, comme l'ont appelé l'ONU et le CICR en 2019.
Un rendez-vous historique
Dans leurs dernières contributions écrites au texte de la Déclaration politique, certains États, notamment la France, la Belgique, le Canada, le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont fait de « l’utilisation indiscriminée » des armes explosives à large rayon d’impact le cœur du problème. Or, cet « usage indiscriminé », à savoir cibler délibérément les civils et leurs infrastructures est déjà strictement prohibé par les Conventions de Genève : c’est un crime de guerre. Ce que les États ne veulent pas reconnaître, c’est que même lorsqu’elles sont dirigées contre une cible militaire, donc de façon discriminée, ces armes présentent un risque systémique d’effets indiscriminés ou disproportionnés de par leur seule utilisation en zones peuplées.
Enfin, le langage proposé par la France, ainsi que ses partenaires de l’OTAN, atténue profondément la portée de ce texte. En insistant sur un langage qui minimise systématiquement l’ampleur de la menace que représentent pour les civils ces armes à large rayon d’impact en zones urbaines, la France réduit leurs conséquences humanitaires à l’état de probabilité. Cette proposition va à l’encontre des réalités humanitaires documentées par la société civile et édulcore les solutions proposées par ce texte. En utilisant un langage relativisant cet impact, la France risque de faire perdurer un statu quo intenable pour les civils, faisant des bombardements urbains la norme et non l’exception.
Soutenez le combat de Handicap International, signez la pétition !
Deux jours avant que les États ne reprennent les négociations sur la déclaration politique, plus de 210 parlementaires français et allemands de tous bords politiques ont publié le 1er mars dans le journal La Croix un appel parlementaire conjoint adressé aux deux ministres des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas. Cette tribune demande à la France et à l'Allemagne d'adopter une déclaration forte contre l'utilisation d'armes explosives à large impact dans les zones peuplées.
Cette mobilisation politique dans les deux pays est sans précédent : elle intervient à un moment critique où les États ne plaident clairement pas en faveur d'un outil fort et ambitieux pour mieux protéger les civils.
> Lire également l'article de La Croix "Contre les bombardements en zones peuplées, Handicap International appelle la France à être à la hauteur"
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