Goto main content
 
 

5 choses à savoir sur le déploiement humanitaire en contexte de crise

Logistique Urgence
International

Entretien avec Jérôme Bertrand, responsable du pôle Déploiement d'Atlas Logistique, l'unité technico-opérationnelle de Handicap International spécialisée dans l’ouverture d’accès humanitaire et l’acheminement de l’aide.

Deux personnes de dos sur le terrain, lors d'un déploiement humanitaire en Turquie suite au séisme de 2023.

Déploiement d'Atlas Logistique lors du séisme en Turquie en 2023. | © HI

Avant même qu’un avion ne décolle ou qu’un premier colis d’aide n’arrive à destination, un déploiement humanitaire est déjà en marche. Il se prépare en amont, se construit en réseau, demande parfois de l’improvisation et repose toujours sur des femmes et des hommes capables de garder leur sang-froid dans le chaos.

C’est le rôle des équipes de déploiement d’Atlas Logistique, l'unité technico-opérationnelle de Handicap International spécialisée dans l’ouverture d’accès humanitaire et l’acheminement de l’aide : des professionnels aguerris capables de se déployer en quelques heures pour évaluer les besoins et lancer les premières opérations.

Jérôme Bertrand, responsable du pôle Déploiement d'Atlas Logistique, partage les coulisses d’un métier où l’anticipation, l’engagement humain et l’adaptabilité sont au cœur de l’action.

1. La préparation est la clé du succès

Un déploiement humanitaire commence bien avant l’arrivée sur le terrain. Il faut anticiper la logistique, les autorisations, la coordination avec les acteurs locaux et l’évaluation des besoins. Une mauvaise préparation peut ralentir l’intervention et réduire son impact. 

« Dès qu’une crise survient, nous activons un dispositif d’alerte, nous évaluons la pertinence d’un déploiement. En parallèle, la cellule de coordination au siège prépare le départ : logistique, matériel, budget, prise de contact avec les partenaires... Cette étape conditionne tout le reste. Étant donné que nous faisons des achats de matériel en avance, nous avons des kits prêts à être déployés. Un de nos logisticiens a toujours accès à ce stock et peut donc sortir le matériel de notre stock à Lyon à tout moment. On peut partir avec une caisse en quelques heures. »

Atlas Logistique a également conçu une boîte à outils complète avec des modèles de contrats, des check-lists ou encore des procédures opérationnelles prêtes à l’emploi. « Cela paraît anodin, mais c’est ce qui prend le plus de temps. Quand on doit négocier un contrat d’entrepôt en urgence, un tel outil nous permet de gagner un temps précieux. »

Être préparé, c’est aussi avoir une organisation interne claire. « Il faut que chaque personne sache qui fait quoi. Sinon, on risque d’avoir deux personnes qui font la même chose, ou au contraire, de rater une chose essentielle. »

Cette préparation passe aussi par la formation continue des équipes, qui sont régulièrement entraînées à faire face à des contextes variés, complexes et changeants.

« Nous nous formons en permanence, nous échangeons sur les expériences passées, nous simulons des scénarios. C’est ce qui nous permet d’être prêts à intervenir dès les premières heures d'une crise humanitaire. »

2. Chaque contexte est unique

Intervenir en zone de conflit après une catastrophe naturelle ou dans une crise prolongée, implique des défis très différents. Comprendre la culture locale, les contraintes sécuritaires et les infrastructures disponibles est essentiel pour adapter l’intervention.

Le défi est donc celui de l’apprentissage continu. Ce qui peut paraître surprenant, « c’est qu'on passe sa vie sur un ordinateur. Même au fin fond de la brousse avec de la poussière, on va quand même passer son temps devant un écran à organiser et structurer pour améliorer la réponse humanitaire ».

« En Ukraine, il a fallu mettre en place une logistique dans un pays en guerre, avec des besoins immenses mais aussi des infrastructures existantes. À Gaza, nous sommes dans un espace très restreint, avec des blocages d’accès, des frappes, et la nécessité de nous coordonner très étroitement avec les partenaires locaux. Chaque urgence est différente de la précédente et de la suivante. »

3. La logistique fait toute la différence

« Le geste humanitaire, c’est un geste d’abord logistique. La logistique crée l’accès », explique Jérôme. Acheminer de l’aide, transporter des équipes, réhabiliter des axes pour accéder à une zone isolée, tout cela conditionne la réussite d’une mission.

« Quand on n'a pas de camion pour aller au fin fond du pays, quand personne n’a dégagé la route, on n'a pas accès à la population. La logistique, c’est ce qui crée l’espace humanitaire. »

C’est valable pour les choses les plus simples :

« Quand on arrive dans un pays comme l’Afghanistan après le départ des Américains, si on n'est pas enregistré comme ONG, on n'a rien. On doit trouver un lit, un chauffeur, un moyen de communiquer. Tout ça, c’est aussi de la logistique. »

Au-delà des premiers moments de l’urgence, commence alors la « logistique humanitaire » : celle qui permet de faire venir de l’aide, de monter des entrepôts, d’organiser les chaînes d’approvisionnement pour l’ensemble des acteurs sur place.

4. Se coordonner avec les autres acteurs humanitaires sur place

Un déploiement c’est avant tout une question de collaboration. Il faut savoir travailler en équipe, sous pression et avec des partenaires locaux. La gestion du stress et la résilience sont essentielles pour tenir sur la durée.

Quand une crise éclate, de nombreux acteurs humanitaires arrivent en même temps, souvent dans des conditions chaotiques. « On ressent un moment de flou, une impression de désorganisation. C’est normal, chacun cherche ses marques. »

C’est là que la coordination entre les organisations devient cruciale. Elle permet d’éviter les doublons, de ne pas oublier certaines zones et de gagner en efficacité. « Notre premier travail, c’est de rencontrer tous les acteurs sans exception. C’est ce qui nous permet de comprendre les besoins réels et de nous intégrer dans l’écosystème humanitaire. »

« À Dnipro, au début de la guerre en Ukraine, nous étions tous logés dans le même hôtel, le seul établissement encore ouvert qui avait été sécurisé. Il suffisait de descendre dans le hall d'entrée pour se coordonner avec tous les autres acteurs humanitaires », poursuit Jérôme.

Une anecdote qui illustre bien à quel point la proximité et la réactivité font partie de la réponse.

Cette coordination demande aussi de savoir trier l’information. « Il y a énormément d’informations en même temps et ça va dans tous les sens. Il faut pouvoir identifier les acteurs qui ont les bonnes données. C'est très difficile, il faut arriver à faire le tri pour ne pas être submergé. »

5. S’adapter en permanence

Un déploiement c’est aussi faire face à l’inconnu. Même avec une préparation optimale, les imprévus sont la règle. Changements de priorités, contraintes de sécurité, accès limité : il faut savoir ajuster ses plans rapidement et trouver des solutions innovantes. « Aucune crise ne ressemble à une autre. Nous partons avec des biais, des idées préconçues. Il faut tout remettre en question à chaque fois. »

C’est également un travail de synthèse dans des contextes très troublés. « On arrive dans un pays qu'on ne connaît pas, on doit très vite avoir une vision claire dans un environnement qui ne l’est pas du tout, c’est difficile. »

Savoir réagir vite, sans perdre de vue les objectifs à long terme, c’est l’une des grandes forces des équipes de déploiement d’Atlas Logistique. Les qualités indispensables : capacité de synthèse, flexibilité mentale, structuration, relations interpersonnelles et surtout, « il faut savoir être confortable dans le chaos. »

Pour Jérôme Bertrand, il est essentiel de ne jamais envoyer une personne seule sur le terrain. « Il y a trop de travail, trop de décisions à prendre. Il faut pouvoir croiser les regards, se contredire, créer des hypothèses de travail et également se soutenir. » Les missions durent au maximum deux mois, pour garder le recul nécessaire et rester clairvoyant. L’idée est de fonctionner par rotations.

En définitive, un déploiement humanitaire c’est l’art d’agir vite sans jamais improviser à l’aveugle. C’est savoir structurer dans le chaos, rencontrer dans l’urgence, porter la logistique comme une mission en soi. Et c’est surtout une aventure profondément humaine, dans laquelle le lien et l’adaptation sont les seules constantes.

Jérôme Bertrand conclut :

« Chez Atlas Logistique, nous créons un accès humanitaire, nous ouvrons l’espace humanitaire. Et pour ça, il faut savoir poser les bases solides dès les premières heures. Nous ne sauvons pas le monde à chaque mission, mais nous créons les conditions pour que d’autres puissent faire leur travail : soigner, nourrir, protéger. Et ça c’est déjà beaucoup. »

En savoir plus sur Atlas Logistique

Lire aussi "Logistique humanitaire au Liban : un bel exemple de collaboration inter-ONG"

Publié le : 24 juin 2025
Nos actions
pays
par pays

Icône casque microUne question ? Une remarque ? Nous sommes à votre écoute !

Relation Donateurs
Contactez notre équipe du lundi au vendredi de 9h à 18h au 04 78 69 67 00 ou à
[email protected]
Au plaisir d’échanger !
Voir aussi la FAQ

Équipe Mobilisation
Vous souhaitez devenir bénévole ou partager des idées d’actions solidaires ? 
>
Rendez-vous sur l’espace dédié

Relations Presse
Journalistes, médias : notre attachée de presse Clara Amati est joignable au 06 98 65 63 94 ou par mail
[email protected] 
Voir l'espace Presse

 

Collectes frauduleuses

Des escroqueries à la charité peuvent être commises en notre nom dans l'espace public, par téléphone ou par e-mail. Consultez notre page dédiée pour toute information ou contactez-nous directement au 04 78 69 67 00 ou par e-mail : [email protected]

Aidez-les
concrètement

Pour aller plus loin

Traité d’Oslo : la Convention sur les armes à sous-munitions doit être défendue
© HI
Mines et autres armes

Traité d’Oslo : la Convention sur les armes à sous-munitions doit être défendue

Publié le 15 septembre, le rapport 2025 de l’Observatoire des armes à sous-munitions révèle que 100 % des victimes recensées en 2024 étaient des civils. Bien qu'elles soient interdites depuis 2010 par le Traité d’Oslo – l’autre nom de la Convention – les armes à sous-munitions continuent d'être utilisées.

“Vivre Debout”, une expo photo qui célèbre la résilience et la dignité humaine
© E. Martin / Figaro Magazine / HI
Solidarité

“Vivre Debout”, une expo photo qui célèbre la résilience et la dignité humaine

Du 20 septembre 2025 au 18 janvier 2026, le Sénat présente sur les Grilles du Jardin du Luxembourg à Paris “Vivre Debout”, une exposition photographique proposée par Handicap International. 80 clichés inspirants pour ne jamais oublier notre humanité commune.

Inondations au Pakistan : des besoins humanitaires immenses
© Development Tales Media / HI
Urgence

Inondations au Pakistan : des besoins humanitaires immenses

Handicap International mobilise ses équipes au Pakistan pour porter assistance à la population après le déchaînement des éléments depuis août : pluies torrentielles, glissements de terrain, inondations... les besoins humanitaires sont immenses.