« L'école est devenue un lieu où on a peur »
Salam est la directrice de l'école élémentaire pour garçons du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Elle nous parle des dangers d'enseigner dans un contexte de violence armée.

Salam en classe | © HI
Depuis le 7 octobre et l'escalade de violences entre Israël et le Hamas, quelque 33 000 Palestiniens ont été tués et 75 000 blessés dans les bombardements incessants à Gaza menés par les forces israéliennes. Cette offensive meurtrière fait suite à une attaque massive lancée par le Hamas contre Israël, au cours de laquelle 1 200 Israéliens ont été tués et 240 Israéliens et ressortissants étrangers pris en otage.
La Cisjordanie connaît également une escalade de violences depuis le 7 octobre. Plus de 350 Palestiniens ont été tués et 4 300 blessés. Une douzaine d'Israéliens ont également perdu la vie.
Salam, directrice de l'école élémentaire pour garçons du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, nous explique comment la violence armée affecte son école. Un incident en particulier a laissé une trace vive dans sa mémoire :
L'école attaquée
Depuis l'été 2023, les forces de sécurité israéliennes ont fait des incursions répétées dans la ville de Jénine, et plus particulièrement dans le camp de réfugiés de la ville. Cela a eu des conséquences sur les cours et le programme des élèves. Ces derniers et leurs enseignants sont tous anxieux et effrayés.
Un incident m'a particulièrement choquée : en novembre dernier, il y a eu une incursion dans le camp alors que les élèves étaient à l'école. Je me suis empressée de fermer les portes et d'envoyer les élèves avec leurs professeurs dans des salles de classe plus sûres, avec des fenêtres donnant sur l'extérieur. J'ai demandé aux professeurs de continuer à enseigner normalement pour ne pas inquiéter les élèves.
La cour de l'école était très exposée et nous pouvions entendre des tirs nourris. Les élèves et les enseignants sont restés dans l'école jusqu'à la tombée de la nuit, sans électricité, sans eau ni téléphones portables en état de marche, car leurs batteries étaient vides. La cafétéria de l'école n’avait qu’une quantité limitée de nourriture. Nous avons pris tout ce que nous pouvions trouver – biscuits et jus de fruits – car les enfants avaient faim. Cela a été l’incident le plus pénible récemment.
Lorsque j'y suis retournée le lendemain pour aller chercher quelques affaires, j'avais peur. Je me suis rendu compte que mon école bien-aimée n'était plus un endroit sûr, elle était devenue effrayante. Pendant l'incident, nous avons été courageux, mais après nous étions tous en larmes.
La classe en ligne
Aujourd'hui, presque toutes les écoles du camp passent à un enseignement à distance, chaque fois qu'il y a des incursions et des fermetures. Mais tous les élèves n'ont pas de connexion à Internet. Certains quittent leur domicile la nuit pour dormir chez des proches, par crainte des incursions de l'armée dans le camp. D'autres ont des frères et sœurs qui étudient également, et il n'y a pas assez d'appareils pour tout le monde. L'électricité est souvent coupée dans le camp, ce qui empêche les étudiants d'accéder à leurs cours en ligne.
En raison des grèves des enseignants, des fermetures et des violations commises par les forces d'occupation, de nombreux élèves manquent des cours et n'acquièrent pas les compétences dont ils ont besoin pour passer au niveau académique supérieur.
Appel à un cessez-le-feu immédiat
Handicap International est alarmée par le nombre très élevé de victimes civiles, le manque d'accès humanitaire sûr et le nombre limité de camions qui peuvent entrer dans la bande de Gaza chaque jour. Avec plus de 800 organisations, l'association demande un cessez-le-feu immédiat pour mettre fin au carnage et garantir l'acheminement de l'aide humanitaire à la population touchée.
HI et l'éducation inclusive en Palestine
Le programme de Handicap International en Palestine promeut l'inclusion des enfants handicapés dans le système éducatif. Entre autres initiatives, nos équipes ciblent les communautés pour identifier les filles et les garçons handicapés qui ne sont pas scolarisés ou qui risquent d'abandonner l'école. Elles orientent ces enfants vers des prestataires de services spécialisés dans les secteurs de la santé, de la protection, du logement et des moyens de subsistance, en fonction de leurs besoins individuels, afin de favoriser leur intégration. Le programme équipe également les écoles ciblées en matériel d'apprentissage et d'enseignement et fournit des technologies auditives, visuelles et éducatives aux garçons et aux filles handicapés. L'objectif global de Handicap International est de permettre à près de 3 000 enfants handicapés d'accéder à l'éducation.
Depuis le 7 octobre, en raison de l'escalade de la violence et des restrictions de mouvement en Cisjordanie, Handicap International a adapté ses activités, en évaluant à distance l'accessibilité des écoles, en organisant des formations et en apportant un soutien à l'éducation en ligne. L'association a également organisé des activités récréatives pour 600 enfants dans six écoles concernées.
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