« N’oublions pas les besoins humanitaires en Ukraine »

Quelle est la situation en Ukraine ?

Arnaud Pont : Le conflit¹ a commencé en février 2014 et se poursuit le long de la "ligne de contact" qui sépare l’Ukraine d’une zone gérée par la République populaire de Donetsk². Quelque 800 000 personnes n’ont pas fui les combats et habitent dans cette zone, soit parce qu’elles n’ont pas les moyens de partir, soit parce qu’elles sont handicapées. Certaines refusent également de quitter le lieu où elles ont construit toute leur vie. Ces personnes ont besoin d’assistance humanitaire, car les services de l’État, notamment de santé, sont interrompus. La zone sous contrôle gouvernemental compte également 300 000 déplacés. Au total, 3,8 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire en Ukraine³. La situation est vraiment critique !

En quoi consistent les actions de Handicap International dans le pays ?

AP : Nous travaillons depuis août 2015 dans la zone de conflit. Nous aidons les personnes handicapées, mais également les personnes âgées alitées. Nous nous concentrons sur leurs besoins en réadaptation physique et fonctionnelle, nous approvisionnons les services de santé en fauteuils roulants, béquilles, etc. et formons le personnel soignant à la prise en charge du handicap. En 2016, nous avons porté assistance à près de 1 000 personnes et soutenu une trentaine de structures de santé. Certaines personnes ont aussi développé des traumatismes psychologiques dus à la solitude, à l’abandon et au stress consécutif aux bruits de tirs et d’explosions autour de leur habitation. Nous leur apportons un soutien psychologique.

Handicap International travaille habituellement dans les pays du Sud, pourquoi également en Ukraine ?

AP : L’Ukraine a souffert économiquement de la crise. Même la population de pays développés peut, à cause d’une guerre ou d’une catastrophe naturelle, avoir besoin d’une assistance humanitaire. Un conflit peut également créer des situations inédites : par exemple, l’Ukraine n’avait pas de mines sur son territoire avant 2014.

Les actions se poursuivront-elles une fois le conflit réglé ?

AP : Handicap International a pour objectif de rester dans le pays tant que les besoins seront là, mais nous devons en avoir les moyens. C’est la raison pour laquelle nous avons participé à la conférence "The Human Face of the Eastern Conflict" à laquelle ont également assisté d’autres ONG, des représentants de la Commission européenne et des Nations Unies : le conflit ukrainien est une crise oubliée et sous-financée. Nous devons convaincre les bailleurs de fonds que les besoins sont encore immenses, et ce pour de nombreuses années, dans les domaines de la réadaptation, de l’action contre les mines et du soutien psychologique.

Comment voyez-vous la situation évoluer au cours des prochaines années ?

AP : C’est très difficile à dire, car la solution n’est pas humanitaire, mais politique. Ce que nous demandons, c’est d’avoir accès à toutes personnes dans le besoin et pouvoir leur apporter l’aide humanitaire nécessaire.