Éliminer les violences sexuelles contre les enfants
Mené au Burundi, au Kenya et au Rwanda, le projet "Ubuntu Care" de Handicap International lutte contre les violences sexuelles envers les enfants, en particulier ceux qui sont handicapés. Sofia Hedjam, coordonnatrice régionale, nous dit tout sur ce programme lancé en novembre 2012 qui a déjà permis de prendre en charge 600 enfants victimes de violences sexuelles.

À l'est du Rwanda, des enfants dansent pour délivrer un message : ils expliquent aux autres enfants que la violence sexuelle ne peut pas être acceptée, qu'ils doivent s'en protéger et se dresser contre celle ci (projet Ubuntu Care de Handicap Internationa | © W. Huyghe / Handicap International
En quoi consiste le projet Ubuntu Care1 ?
Sofia Hedjam : Il s’agit d’un programme de sensibilisation. Des animateurs interviennent dans les écoles pour alerter et informer les enfants sur les violences sexuelles dont ils peuvent être victimes. Les séances s’adressent également aux enseignants. Toutes nos activités sont ludiques. Par exemple, nous invitons les enfants à placer des smileys rouges ou verts sur une affiche du corps humain. Ils nous expliquent ensuite pourquoi, selon eux, une grande personne n’a pas le droit de toucher telle ou telle partie de leur corps. Puis nous en discutons tous ensemble. Au Kenya, nous avons organisé des activités de théâtre de rue : les enfants ont joué devant un public d’adultes des saynètes racontant une agression sexuelle. Un débat s’est ensuite instauré avec les spectateurs. C’est une manière de sensibiliser le grand public tout en plaçant les enfants comme acteurs de la sensibilisation, au centre des activités. L’an dernier, nous avons tourné un film, « Through our Eyes »2 : nous avons demandé aux enfants de lister les causes des violences sexuelles. Puis nous leur avons laissé le champ libre pour les mettre en scène. Le programme Ubuntu Care répond à un vrai besoin : les violences sexuelles contre les enfants sont assez répandues dans cette région d’Afrique et le sujet est tabou.
Pourquoi les enfants handicapés sont-ils particulièrement vulnérables ?
Pour plusieurs raisons. D’une part, un enfant handicapé est souvent laissé seul à la maison quand ses parents vont au travail et que ses frères et sœurs sont à l’école. Son isolement et son exclusion du reste de sa communauté augmentent sa vulnérabilité. Il peut également être orphelin et dépendre d’un parent ou d’un ami pouvant devenir son agresseur. D’autre part, de nombreuses superstitions, certaines effarantes, existent sur le handicap : avoir des relations sexuelles avec un handicapé vous guérirait du sida, entre autres croyances…
Menez-vous des actions auprès des familles ?
Oui, nous informons les parents d’enfants handicapés sur les risques de violences sexuelles. Dans le cas d’attouchements ou du viol d’un enfant, nous aidons les parents à faire les démarches nécessaires auprès des services judiciaires, psychologiques et médicaux. Nous menons également des campagnes d’information sur le handicap plus largement auprès du voisinage. Nous nous efforçons de lever les idées reçues et les superstitions et de faire prendre conscience aux gens de la gravité d’une agression sexuelle contre un enfant : beaucoup de cas de violences sexuelles restent cachés ou sont réglés à l’amiable par les chefs de village et les familles concernées, ce qui n’est pas légal car le viol reste un crime.
Conduisez-vous des actions auprès des pouvoirs publics ?
Oui, notre travail de sensibilisation s’étend aux différents services publics en charge de la protection de l’enfance : le juridique, le social, le psychosocial, les services médicaux et l’éducation. Nous assurons également la coordination entre, par exemple, les magistrats chargés de traiter les plaintes et les médecins légistes qui examinent les victimes. Auparavant il n’y avait pas de communication entre eux, ce qui pouvait donner lieu à de vrais blocages dans les enquêtes. De plus, si nous identifions un enfant victime de violences, nous l’orientons vers ce que nous appelons le « groupe d’intervention », composé de représentants de la police, de la justice, de l’éducation et de la santé. Ce groupe est compétent pour examiner et prendre en charge les cas d’enfants victimes.
Quels progrès observez-vous ?
La connaissance des enfants sur les violences sexuelles s’est fortement améliorée depuis que nous avons mis en place le programme Ubuntu care : quelque 30 000 enfants dans les trois pays (Burundi, Kenya et Rwanda) ont participé à nos activités et ont été sensibilisés. On se rend compte bien souvent qu’ils sont mieux informés que les adultes. En ce qui concerne la prise en charge d’enfants victimes de violences, le projet a permis concrètement d’identifier et de prendre charge environ 600 enfants victimes de violences sexuelles.
Est-il difficile d’impliquer les enfants sur un sujet si tabou ?
Pas du tout. Ils sont souvent bien au fait du problème. Qu’il ait été lui-même victime de violences ou qu’il ait entendu parler de cas dans son entourage, un enfant est toujours le premier témoin des traumatismes causés par la violence sexuelle. Les enfants foisonnent d’idées pour sensibiliser le grand public. Le projet a libéré la parole des enfants sur cette réalité jusqu’ici cachée.
1 Le terme « Ubuntu » est dérivé des langues Bantu parlées dans le Sud et l’Est de l’Afrique et fait référence aux concepts d’humanité, de générosité et de communauté. Le mot anglais « Care » signifie « soin », « attention », « souci », etc.
2 « À travers notre regard » en français – le film peut être visionné à cette adresse : https://youtu.be/NRTkqc_I6vg
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