40 ans de Handicap International racontés par Jean-Baptiste Richardier
Des camps de réfugiés cambodgiens au début des années 80 au conflit en Ukraine aujourd’hui, ce sont plus de 20 millions de personnes dans plus de 60 pays qui ont bénéficié de l’aide de Handicap International depuis sa création.

Premier centre d’appareillage de Handicap International dans le camp de réfugiés de Khao I Dang, en Thaïlande près de la frontière cambodgienne | © HI
Depuis sa création en 1982, Handicap International a porté des combats majeurs pour faire interdire l’usage des armes les plus dévastatrices parmi les populations civiles. À l’occasion du 40e anniversaire de l’association, le journal des donateurs Vivre Debout* a invité Jean-Baptiste Richardier, cofondateur de Handicap International, à poser son regard sur quelques photos témoignant des temps forts qui ont marqué l’histoire de l’ONG.
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1982 : Cambodge-Thaïlande, les origines
© HI
Jean-Baptiste Richardier : « Tout jeune médecin engagé aux côtés de Médecins sans Frontières dans les camps de réfugiés cambodgiens en Thaïlande, je ne comprenais pas que l’armada humanitaire déployée n’ait aucune solution à offrir aux quelques 6 000 victimes recensées d’accidents par mines. Alors, avec Marie mon épouse, nous avons saisi l’opportunité de créer un premier centre d’appareillage dans le camp de Khao I Dang. Rejoints par Claude Simonnot, son épouse Marie-Eve et Yves Gaumeton, globe-trotter de passage, nous avons multiplié les projets d’ateliers tout le long de la frontière, en utilisant des matériaux locaux et en nous inspirant des savoir-faire des artisans cambodgiens, souvent eux-mêmes amputés. Ces modalités d’action resteront un fondement de notre philosophie. »
1992 : les premiers programmes de déminage humanitaire
© Ph. Merchez / HI
« Treize années après la fin du régime des Khmers rouges, l’heure du retour a sonné pour près de 400 000 Cambodgiens encore réfugiés en Thaïlande. Mais le Cambodge était l’un des pays les plus minés au monde… Les troupes déployées par les Nations Unies avaient bien commencé à former des démineurs, mais six mois après le rapatriement la question de leur statut juridique n’était toujours pas résolue. À la demande de l’ONU, Handicap International a donc accepté d’employer les 90 premiers "démineurs humanitaires", immédiatement déployés dans les provinces les plus polluées. »
1995 : les premières Pyramides de chaussures
Lancement des Pyramides de chaussures à Paris, Lyon, Marseille et Strasbourg © Ph. Merchez / HI
« Avec le succès grandissant de l’association, nous avons pris conscience que réparer et déminer ne suffisait pas, car nos actions servaient d’alibi à l’inaction des gouvernements ! Il nous fallait remonter à la cause des accidents par mines et chercher à faire interdire leur utilisation. En novembre 1992, avec cinq autres ONG, nous avons créé la Campagne internationale pour interdire les mines (ICBL). L’idée des Pyramides de chaussures, quant à elle, était de créer un totem visuel irréfutable, symbolisant à la fois les souffrances infligées aux victimes et le refus de la société civile, invitée à venir jeter des chaussures sur ce monument de protestation et le faire grandir. Depuis 27 ans, l’adhésion du public à cet événement ne s’est jamais démentie. »
1997 : le prix Nobel de la paix
Remise à Oslo du prix Nobel de la Paix aux représentants de la Campagne internationale pour interdire les mines © HI
« Avec le soutien de toutes les autorités morales de la planète, l’alliance passée entre une poignée de pays déterminés, emmenés par le Canada, et la coalition des ONG, déjouera les agendas politiques des pays opposés au projet de traité d’interdiction. Et cinq ans à peine après le lancement du processus, le Traité d’Ottawa réunira les signatures de 122 pays, bannissant les mines des arsenaux d’armes conventionnelles. En lice pour le prix Nobel de la paix, notre campagne se verra attribuer cette prestigieuse distinction deux mois avant la signature du traité. Je me souviens du suspense, de la montée d’adrénaline avant l’annonce. Recevoir ce prix a certainement encouragé certains gouvernements à se joindre au traité. Il nous a donné aussi plus de responsabilités. »
2003 : un nouveau combat
© P. Grappin / HI
« Ce nouveau combat collectif des ONG contre les bombes à sous-munitions (BASM) depuis 2003 s’est très logiquement inscrit dans le prolongement de l’interdiction des mines antipersonnel. Là-encore, Handicap International facilitera le témoignage de nombreuses victimes et leur contact direct avec les délégations des gouvernements. Ces armes terribles – dont jusqu’à 40 % n’explosent pas à l’impact et deviennent des mines antipersonnel de fait – avaient été utilisées clandestinement au Laos par les États-Unis dans les années 1970. Une tragédie largement ignorée en dépit de son ampleur. Mais le fait déclencheur de cette nouvelle campagne sera l’utilisation massive de bombes à sous-munitions par l’armée israélienne au Sud-Liban au moment de son retrait en 2006. »
2005 : la bataille de l’éducation
© J. de Tessières / HI
« Si l’appareillage et la rééducation leur offrent une plus grande autonomie, les personnes en situation de handicap restent trop souvent en marge de la société, sans accès à l’école et plus tard à un emploi. Pour leur donner les mêmes chances qu’aux autres, nous avons fait le pari de solutions inclusives pour les enfants, sans miser sur des instituts spécialisés. Au contraire, nous nous sommes appuyés sur les communautés et les mécanismes d’entraide traditionnels. Et nous avons multiplié les projets de formation professionnelle en mobilisant les savoir-faire des organisations locales. »
2008 : une nouvelle victoire
Représentants de la société civile et des victimes lors de la signature du Traité d’Oslo © Federico Visi
« Le Traité d’Oslo d'interdiction des bombes à sous-munitions, signé en 2008, permettra de contenir la menace d’une arme aux conséquences humanitaires effroyables. Bernard Kouchner, alors ministre français des Affaires étrangères, nous a offert une belle satisfaction : ayant insisté pour que Handicap International soit à ses côtés lors de la cérémonie de signature, il a rendu hommage dans son discours au rôle majeur joué par l’association lors des difficiles négociations, avec la France notamment, soulignant ainsi l’importance et l’efficacité de notre action de plaidoyer. »
2010 : l'urgence en Haïti
© W. Daniels / HI
« Lors du tremblement de terre du 12 janvier, Handicap International était déjà présente en Haïti avec des équipes d’urgence d’Atlas Logistique déployées en réponse à des cyclones successifs. Face à des milliers de blessés et un réseau hospitalier dévasté, Handicap International mettra en place l’une des plus grosses opérations humanitaires de son histoire, mobilisant jusqu’à près de 600 personnes aux côtés des sinistrés. Ce fut aussi l’occasion de déployer un nouveau dispositif très efficace, les Relais Handicap et Vulnérabilité, qui ont permis de créer une zone tampon entre des hôpitaux désorganisés et assaillis de demandes d’aide et les communautés en quête désespérée de soins et d’informations. »
2012 : le début du drame syrien
© B. Blondel / HI
« L’extrême violence de l’interminable conflit syrien illustre plus que d’autres la propension de l’humanité à se détruire elle-même. L’ONU se révèle impuissante à mettre un terme aux bombardements de zones densément peuplées où le nombre de victimes civiles atteint d’effroyables proportions. En réponse à l’exode massif des populations, les demandeurs d’asile voient leurs droits se restreindre drastiquement. D’immenses camps de réfugiés sont créés en Jordanie, au Liban et en Turquie ; Handicap International y déploiera ses équipes ainsi qu’en Syrie, dans le cadre d’opérations transfrontalières volontiers périlleuses. »
2017 : les bombardements en zones peuplées
© D. Barca / HI
« En Syrie comme au Yémen, 90 % des victimes de bombardements en zones peuplées sont civiles. Lancée dans la lignée de nos combats précédents pour la protection des civils, cette campagne de mobilisation citoyenne n’avait pas pour objectif d’aboutir à un traité ; elle est venue en soutien des ONG d’une initiative de quelques gouvernements, emmenés par l’Autriche et l’Irlande, déterminés à rétablir le respect des règles de la guerre en matière de protection des civils par la signature solennelle d’une déclaration politique. L’âpreté des négociations atteste de l’importance d’un instrument qui redonnera du poids et du sens au Droit international humanitaire, pour lequel certaines pratiques militaires sont d’ores et déjà illégales. Et le droit des victimes civiles d’un conflit à une assistance en sort renforcé. »
Stop bombing civilians - Stop aux bombardements des civils !
2020 : à l’épreuve du Covid-19
© S. Rae / HI
« Nous ne pensions pas avoir un rôle à jouer dans le cas d’une pandémie mondiale, mais notre regard a changé avec le virus Ebola en Sierra Leone. Fallait-il mettre nos équipes à l’abri en quittant le pays ? Nous avons décidé de rester afin d’aider les communautés à adopter les gestes barrières pour se prémunir contre le virus. À la demande de Médecins sans Frontières, nous avons déployé ensuite une plateforme d’ambulances pour toute la zone de Freetown, la capitale. La pandémie provoquée par le coronavirus a touché, à des degrés divers, tous les pays où Handicap International est présente ; nous devions donc adapter les activités de nos équipes afin de contribuer à la prévention de la maladie et à la prise en compte des patients. »
2022 : la guerre en Ukraine
© T. Nicholson / HI
« Encore un conflit d’une rare brutalité ! La Russie n’est signataire ni du Traité d’Ottawa sur les mines antipersonnel, ni du Traité d’Oslo sur les bombes à sous-munitions. Et son armée n’hésite guère à bombarder des zones densément peuplées de populations civiles. Les conséquences de ce conflit que nous pensions d’un autre âge seront d’une effrayante gravité, sans compter la famine qui va affecter de nombreux pays. Je suis heureux de la mobilisation générale au sein de Handicap International pour apporter une aide d’urgence aux blessés et aux populations les plus vulnérables, en Ukraine et dans les pays limitrophes. Elle est au cœur de notre ADN. »
Urgence Ukraine : l’action de Handicap International
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